15.02.2003
— 16.03.2003
Pour tous ceux qui ont traversé la crétoise Heraklion, une chose est certaine, ce n’est pas une belle ville. Elle paraît même une des plus ingrate, bruyante, chaotique de la Méditerranée. Pas de petit port avec des tavernes les pieds dans l’eau, pas de bord de mers aménagés pour la baignade, mais des rochers hostiles bordés de vieux hangars, de routes à grand trafic et de zones militaires.
On dirait que cette ville, encore entourée de ses murailles anciennes, continue de se défendre des envahisseurs et qu’elle a tout fait pour être laide, comme ces jeunes filles qui se maculaient le visage de boue pour ne pas éveiller l’attention des seigneurs. Et il est vrai que si l’on s’attarde dans son enceinte après les douze coups de minuit, après la fermeture des derniers bars, après le passage des derniers amants, il se crée tout à coup un grand calme,
un silence complice dans lequel, tout doucement, timidement, se dévoile une autre ville, naïve et villageoise, aux ruelles divaguantes, aux volumes précaires comme assemblés par la grâce d’un enfant. Une ville populaire aussi, ballottée par des séismes politiques, érodée, meurtrie par la négligence des uns et l’ambition des autres mais dont les petites cours sentent encore
bon la vie simple et les orangers en fleurs, comme un sourire au milieu du chaos.
Charles Weber