Bonheur National Brut

Adrien Golinelli

10.08.2014

 — 21.09.2014

vernissage: 09.08.2014 dès 17h30
en présence du photographe
présentation de l’exposition: 18h00

Le Bhoutan n’existe pas. C’est le produit de nos fantasmes, notre terre promise inatteignable, le réceptacle de nos espoirs déçus et de nos frustrations.

Comme lorsque enfant, nous nous transposions dans la peau d’un héros pour fuir un sentiment de faiblesse, désormais quand nous perdons confiance en nos objectifs, en notre travail, en notre société, en notre économie, nous nous tournons vers ce havre intérieur qu’est le Bhoutan. Une contrée de vertes vallées où l’argent ne compte pas, où la mode ne dicte pas ses codes, où la « technologie destructrice de la société occidentale » est gardée à distance par une force spirituelle plus forte que tout désir matériel.

Il existe cependant un pays au nom identique, le Bhoutan. Plutôt qu’un pays, un chantier géant : sa capitale ne cesse d’enfler, l’intégralité de ses rivière est en train d’être entravée par des barrages géants, et on perce des routes au quatre coins du territoire. Ce pays était naguère le plus pauvre d’Asie, et pour cacher ses oripeaux, a inventé l’idée de « Bonheur national brut », remplaçant habilement un Produit national brut quasi-inexistant.

Depuis, ce Bhoutan-là s’est construit une économie moderne et désormais on y fait du business comme partout ailleurs. Son Bonheur national brut s’est révélé être un excellent outil de marketing utilisé à fond pour attirer un tourisme de luxe, limité aux visiteurs les plus riches. Ceux, précisément, qui croient aller dans un Bhoutan de contes.

Le véritable Bhoutan a un pied dans le Moyen-âge et un pied dans la mondialisation. C’est bien un pays de contes, mais de contes de Grimm. On y pend encore des supposées sorcières, et le haut clergé se repaît grâce aux menus économies de la populace. Tous les prétextes sont bons pour réclamer un don : même le salut de l’âme des animaux morts !

A côté des touristes qui ne les voient pas, aveuglés par leur chimère, les Bhoutanais semble sortir d’un âge sombre. Ils sont vampires, loups-garous, nixes, elfes ou nains, peuple terreux, peuple hagard. Des apparitions ambiguës, à la fois proches et inquiétantes, dans un entre-temps irréel.

Adrien Golinelli (1987) est né et vit à Genève. Après des études universitaires de linguistique, il a été lauréat du Prix Paris Photo Jeunes Talents 2012 avec « Corée du Nord, l’envers du décor ». Ce même travail a notamment été sélectionné au festival d’Arles 2013 et a fait l’objet d’un livre aux Éditions de la Martinière (2013). Bonheur National Brut est son second travail, déjà exposé aux Boutographies de Montpellier cette année.